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Les papis de la salsa en France

Qui sont les papis de la salsa en France ? Ceux qui ont fait la musique cubaine dans les années 50 et 60... et puis les séniors qui ont fait venir la salsa à la fin des années 70. Ca mérite qu'on s'intéresse à eux pour les connaîtres et les honorer.

Personnellement ce sujet a commencé à me passionner en 2005. J'ai fait une enquête, à chaque fois que j'ai eu du temps libre, j'ai retrouvé des noms et j'ai interviewé quelques uns avec le souci de conserver leur mémoire.

Il y en a d'autres que j'espère rencontrer cette année. Peut être vous aussi vous en connaissez quelques uns, même si ce sont des noms que vous avez sur un album.

Peut être que vous avez des photos, des témoignages à apporter. N'hésitez surtout pas...

Je vais commencer par vous présenter Emilio Boza, surnommé Bombon...

Emilio BOZA (Bombon)

C'est curieux car j'ai écouté Emilio Boza la première fois en 1985 sans le connaître. Je venais d'arriver en France. Un ami m'a amené à l'Escale, le bar cubain de la rue M le prince, à Paris. Dans la cave il y avait un petit orchestre qui était dirigé par Emilio. C'est là que j'ai commencé à aimer cette musique...

Plus tard, l'année dernière je l'ai retrouvé et j'ai fait avec lui une longue interview. Lire cette interview.

Emilio Boza est cubain, bongosero. Il est arrivé en France en 1955 pour une tournée européenne avec l'orchestre de ... Perez Prado ! Mais pas celui que vous connaissez...

Le vécu de Bombon est vraiment intéressant, ca nous transporte dans différentes époques entre deux continents.

Il y a d'abord tous ces détails vivants qu'il donne sur ses débuts à la Havane. On est à la fin des années 40 / début des 50. Je l'imagine jouer le bongo avec sa soeur à la fenêtre de leur maison, quand le coiffeur du quartier passe dans la rue et l'interpelle : Tiens toi, viens répéter avec nous. Car le coiffeur tenait un petit orchestre. C'est ça qui est exceptionnel à Cuba : la musique impregne la société jusque dans la vie des quartiers.

Il m'a aussi beaucoup amusé avec cette histoire d'émission de radio parrainée par la marque de lait "Santa Beatrice". C'était la radio de la Marine, et l'officier qui s'occupait de l'émission en profitait pour faire la double promotion de la voix de sa femme et aussi de sa fabrique de lait. On est dans un Cuba où règne le business avec un côté folklorique amusant.

Intéressant aussi la description qu'il donne des lieux de bals à la Havane : des clubs pour la haute société d'une part et bals populaires de l'autre. "c'était dans les grands clubs de la haute société de la Havane de l'époque, c'était la crème, tous les gens qui venaient dans ces endroits là, ils n'allaient pas dans les bals populaires. Il y avait un niveau différent… et il y avait aussi un niveau musical différent. On ne faisait pas la musique comme dans le bal populaire avec chacha et rumba, là c'était paso doble, tango, valse...". Détails très intéressants.

Et aussi comment on dansait ? "Ils dansaient tout (tous les styles : son, cha cha...). Les meilleurs danseurs se mettaient à la fenêtre. Ceux qui dansaient mal se mettaient au fond de la salle."

Après c'est un grand saut en Europe... et cette terrible histoire où Pantaleon Perez Prado s'est présenté à Paris comme "Le Roi du Mambo" créant ainsi la confusion avec l'identité de son frère. Cela a conduit visiblement à un procès entre les deux frères qui se sont finalement partagé le business du mambo entre les Etats-Unis et l'Europe.

Le Mambo à Paris dans les années 50

Poursuivons notre histoire...

Tout d'abord on va laisser Bombon nous introduire dans le Paris des années 50 : Quelle place y avait il pour la musique cubaine ?

Rien à envier peut être à la "Rumba Folie" qui s'est emparé du quartier de Montmartre et de certains clubs de Montparnasse pendant les années 30. La plupart des musiciens cubains ont du quitter la France à l'approche de la deuxième guerre et ceux qui sont restés ont été emprisonnés par les Nazis. La vague était coupée.

Mais, comme le dit Bombon « après la guerre c'était encore la folie », le retour se fait avec les nouveaux rythmes chaloupés du mambo et du cha cha cha.

Quand Bombon arrive à Paris avec l'orchestre de Pantaleon Perez Predo, le vrai/faux "roi du mambo" fait un triomphe : "J'ai eu la chance parce que j'ai fait un concert pendant un mois, grandiose, au théâtre Alhambra. C'était énorme, c'était plein tous les jours. ". Puis l'orchestre tourne en Europe pendant presque deux ans.

Un succès qui conduit Bombon tout droit à l'Elephant Blanc, rue vavin, club de luxe pour la haute société. Deux orchestres animent le lieu : un de jazz et un autre de musique cubaine, dite "typique" à l'époque.

Images de scène : l'Eléphant Blanc et le Keur Samba

Et voici un détail croustillant : comment se faisait la transition entre le jazz et la musique cubaine à l'Eléphant Blanc ? La scène était ronde et tournante. Au moment du changement, l'orchestre de jazz jouait un air dont la fin se mélangeait avec le premier morceau que jouait l'orchestre cubain. On est en plein magma. Progressivement le nouvel orchestre remplaçait l'autre. Et cela se produisait plusieurs fois dans la soirée. On a envie d'y être !

Je vous laisse graver cette image dans votre mémoire. Et comme les plaisirs peuvent se cumuler, voici une autre image à mémoriser. : cela se passe dans une autre salle de concert à Paris, rue de Renne : le Keur Samba.

Quittons la haute société pour aller dans l'atmosphère de la charanga. Ici jouait le fameux orchestre Los Palmeras tenu par un autre papi de la salsa en France : le grand flûtiste cubain Gonzalo Fernandez (Malheureusement, il est mort il y a un an).

Le Keur Samba était une boîte africaine tenue par un Monsieur qui s'appelait Samba. Au Keur Samba, tout le gratin parisien venait jouer (Regine, Nicoletta etc) et on accueillait beaucoup de groupes cubains comme par exemple l'Orchesta Aragon.

Ici la scène n'était pas tournante, mais la salle avait une autre particularité intéressante : elle était « dimensionnable ». Il y avait un mur mobile sur un côté, et selon l'importance du groupe programmé, ou les aléas des soirs, on déplaçait le mur pour créer un grand espace ou une atmosphère intimiste pour un petit concert. On a aussi envie d'y être.

Mais il n'y avait pas que l'Eléphant Blanc et le Keur Samba...

Cartographie de la musique cubaine à Paris
Années 50

En plus de l'Eléphant Blanc et du Keur Samba, quels étaient les autres lieux de musique cubaine à Paris ? Selon Bombon il y avait beaucoup d'orchestres qui jouaient "dans tous les clubs, partout !". Voici la cartographie de cette époque :

Salles et clubs :


Orchestres et artistes :

Los Matecoco ?

Los Matecoco Cette formation était connue dans toute l'Europe et en Caraïbes. Elle faisait concurrence à la formation belge Los Chakachas (Eso es el Amor). Un de leurs meilleurs titres est le mambo "Doble Zero" écrit par Ernesto Tito Puente.

Au sein de Los Matecoco jouait le flûtiste cubain Clemente Lozanos. Il sera, je l'espère, le deuxième papi de la salsa que je vais vous présenter.

par Nazem - Mars 2008

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